Un projet quotidien de performance de Nadia Vadori-Gauthier

Une joie secrète de Nadia Vadori-Gauthier12 septembre 2019

Auteur : Nathalie Yokel

Support : La Terrasse

Une joie secrète de Nadia Vadori-Gauthier - Critique sortie Danse Paris MK2 Beaubourg

Après l’attentat de Charlie Hebdo, Nadia Vadori-Gauthier  a choisi son acte de résistance  en se filmant au milieu du monde : Une minute de danse par jour. Le film de Jérôme Cassou interroge ses périples et nous fait entrer dans les enjeux d’un acte autant esthétique que politique.

Il pourrait y avoir une sorte d’ambigüité, voire un malaise à accepter le postulat de départ de Nadia Vadori Gauthier. Dans divers lieux Nadia danse tous les jours une minute devant sa caméra, puis poste inlassablement ses vidéos sur la toile depuis 2015. Acte intime, personnel, narcissique ? C’est qu’elle a décidé de le faire très précisément depuis les attentats de Charlie Hebdo, soucieuse de ne pas céder à la peur, et d’occuper, artistiquement, l’espace public. Tout l’enjeu de ce documentaire est de comprendre ce qui se cache derrière cette démarche unique en son genre, quand « danser tous les jours devient un acte de résistance ». Le réalisateur Jérôme Cassou, que l’on connaît davantage pour ses captations bien léchées de grandes œuvres de théâtre ou de danse, a cette fois-ci accompagné la danseuse dans certains de ses périples quotidiens, façon making-of ponctué de vraies images du projet Une minute de danse par jour et d’entretiens avec des artistes de sa bande ou des fidèles soutiens. Le spectateur doit alors dépasser ses premières impressions, celles d’une danse toute de bras qui fusent et de tournoiements dérisoires, et trouver une consistance aux séquences : Nadia au Lav-O-Matic, Nadia à la campagne, Nadia dans le métro, Nadia chez les gilets jaunes, Nadia à la boulangerie…

A la découverte d’une femme sensible et pleine d’humour

Et pourtant, le pari est gagné d’un documentaire, tout à fait simple dans sa forme, mais qui répond aux questionnements posés par l’acte de Nadia Vadori-Gauthier, et les met en partage. La danseuse, qui est également docteure en esthétique de l’Université Paris 8, n’est pas de celles à abreuver le spectateur de concepts. La caméra qui la filme renvoie l’image d’une femme lumineuse, dont le large sourire inonde chaque plan. Mais aussi d’une obstinée, qui fait tout l’intérêt du projet : à remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, à renouveler chaque jour sa motivation en quête d’un lieu et d’une danse, à s’obliger à arracher chaque jour une petite joie, elle rend palpable l’adage qui veut qu’une action minime, si elle est répétée, finit par avoir un grand effet. Et c’est précisément là qu’on accède au propos politique de son travail qui fait de la création une chose pouvant naître à tout instant, malgré tout. On accède à une véritable pensée en mouvement, bercée par Spinoza, Nietzsche ou Deleuze, et l’on comprend les liens profonds et les relations qui se tissent, par un simple geste, avec toutes les personnes qui croisent son chemin.

Une Minute de danse par jour a reçu le soutien de