Un projet quotidien de performance de Nadia Vadori-Gauthier

13 règles pour accomplir une minute de danse ou toute autre action poétique au quotidien :11 janvier 2018

Auteur : Nadia Vadori-Gauthier

Support : Danser Résister - Éditions Textuel, Paris

  1. La première règle pour faire une minute de danse c’est de la faire. Il faut avoir la ferme intention de la réaliser quelles que soient les conditions et les circonstances du jour. La minute de danse doit être faite de toutes façons dans la journée, n’importe où, seul ou avec quelqu’un, dans un bel endroit ou pas du tout, qui peut avoir ou non de l’intérêt. Peu importe ce qu’on fera et où, mais il faut que le jour soit dansé. Ça ne peut pas être reporté au lendemain. Cette action doit être accomplie quoi qu’il arrive.
  1. La minute de danse est faite dans l’état réel du corps, l’état réel du jour, la météo, et les lieux dans lesquels on se trouve de préférence. Occasionnellement ,on peut décider d’aller quelque part ou de prendre rendez-vous avec quelqu’un, mais une fois sur place ou avec cette personne, on réalisera l’action dans l’état réel des lieux et des corps, on n’essayera pas d’enjoliver les choses. On prend acte du lieu tel qu’il est. C’est avec l’environnement et avec les conditions réelles que l’on danse.
  1. La danse n’a pas besoin d’être intéressante ou belle. On peut, si on veut, utiliser comme matériau une écriture chorégraphique, mais ce n’est pas cela qui compte, il faudra être prêt à la défaire ou à l’utiliser seulement partiellement. Les minutes de danse se composent avec ce qui est en train de se passer. Elle comportent donc une part irréductible d’imprévisibilité.
  1. Les minutes de danse peuvent impliquer des artistes ou des non artistes de façon égale.
  1. La minute de danse n’est pas un spectacle. Moins il y a de spectateurs prévenus d’avance, mieux c’est. Il peut n’y avoir personne, mais s’il y a quelqu’un, plus les gens sont participants à la danse, ou passant, ou impliqués dans leurs actions quotidienne, mieux c’est. La minute de danse habite les interstices de la vie courante. Elle peut faire irruption dans une situation courante, s’y couler, ou même devenir presque invisible.
  1. La minute de danse n’est pas un solo, même si on est seul. C’est toujours la relation qui est première, c’est-à-dire que c’est à partir de la relation entre le/s danseur/s et le lieu, le/s danseur/s et les matériaux environnants, le/s danseur/s et les autres personnes, passants ou amis ou qui que ce soit, que s’effectue la danse. C’est la relation qui est première et c’est à partir de cette relation que l’on danse. La facture de la danse est secondaire, dans une certaine mesure. Ça ne veut pas dire qu’elle ne compte pas, mais la relation est première. La danse peut être techniquement bonne ou mauvaise du moment qu’elle connecte des éléments hétérogènes.
  1. La minute de danse ne se répète pas à l’avance, elle se fait. On peut prévoir des ingredients. Par exemple on peut dire : dans tel lieu, avec telle personne, ou peut être avec telle musique (mais pas forcément , car le son du lieu est la plupart du temps privilégié) mais on ne prévoit pas ce qu’on va faire, ni comment. On se jette dans le vide avec l’intention d’activer quelque chose et on voit bien se qui se passe.
  1. Il faut porter l’instant à incandescence, au maximum d’intensité dont on soit capable à un instant donné, intensité est variable, donc : selon les jours on est capable de plus ou moins d’intensité. Il s’agit de « craquer l’allumette du présent », de porter l’instant à incandescence autant que faire se peut, de faire flamber l’instant. Parfois on rate, mais on donne tout, même si on n’a pas grand chose. Ce sera la danse du jour.
  1. Il faut que la minute « œuvre », c’est-à-dire qu’à la fin de la minute de danse quelque chose dans l’état des corps ou l’état des lieux, ou l’ambiance ait changé; et que cet état soit chargé d’une émotion qui soit de préférence la joie, mais qui peut être d’une autre nature. Si la minute de danse à contribué à renforcer les clivages et à enfermer chacun dans sa case, c’est un échec. Il faut la refaire, plus tard.
  1. Si quelqu’un comme un agent de sécurité ou de force de l’ordre ou autre tente d’interrompre la danse, essayer, autant que faire se peut, de tenir une minute.
  1. L’action filmée ne fait l’objet d’aucun montage. Il n’y a rien à retirer, ce n’est pas un best of. On ne garde pas les meilleurs moments d’une danse, on fait avec une durée continue.
  1. Concernant les autorisations : si les autorisations sont impossibles ou trop compliquées à obtenir, simplement par exemple parce qu’on va danser sur un trottoir et qu’on ne va pas faire signer à tous les passants une autorisation de droit à l’image, on que l’on veut jouer sur l’effet de surprise, ou que l’on se trouve dans un lieu public, ou qu’on a envie d’interagir avec une action qui est en train de se passer donc on n’a pas le temps de demander quoi que ce soit, ou encore que le fait de demander une autorisation annulerait la spontanéité moment, on ne demande pas l’autorisation. En revanche, toutes les fois qu’il est possible de demander une autorisation, et s’il l’on a besoin pour ça des institutions ou de tout autre administration ou direction, on la demande. Il n’y a aucune limite aux autorisation qu’on peut demander afin de prévoir les minutes dans les meilleures conditions de leur réalisation, c’est à dire les conditions qui la rendent possible.
  1. Tout est à faire, tout est à refaire, chaque jour.

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