Un projet quotidien de performance de Nadia Vadori-Gauthier

Danse 550 - 16 juillet 2016

20h47,quartier de Monplaisir, Angers. La Paperie, m’a invitée à son Festival des promenades. Je me ballade dans le quartier. Après une danse, j’ai la surprise de découvrir que certains habitants connaissent et suivent la minute de danse. Un homme me parle de sa fenêtre au 4e étage; il crie : « C’est bien ce que vous faites ! C’est vraiment vous ? 🙂 », un autre descend pour me saluer. Des enfants viennent regarder. C’est sympa. Plus tard dans la soirée, je croise Mariama et Mahwa qui se rendent à un mariage.

Aujourd’hui, 16 juillet 2016, mon cœur est lourd. Il me semble que plusieurs choses mélangent de façon dramatique et parfois incohérente.

Un fou, un type, peut-être sous substances, prend son camion et fonce dans la foule. L’horreur. Il tue 84 personnes, dont des enfants, et fait de nombreux blessés. C’est un franco-tunisien. Il a des armes factices dans son camion et n’est pas fiché par les services de renseignements.

Le matin-même, le président de la république annonçait la levée prochaine de l’État d’Urgence. Enfin. Car l’État d’Urgence, même s’il a sa nécessité indiscutable, a aussi ses nombreux  revers et ses abus. De toute façon, aucun État d’Urgence ne pourrait anticiper l’acte d’un déséquilibré, apparemment isolé, pris d’une fureur meurtrière. Bien sûr, le groupe État islamique revendique l’attentat, car son intérêt est de semer la terreur. Mais qu’en est-il réellement ? L’État d’Urgence est reconduit pour trois mois. Le gouvernement ne semble pas avoir le choix. Mais ce déploiement policier et militaire peut-il vraiment répondre au problème ? On alimente la peur, la séparation, la violence, la haine de la différence. On cloisonne, alors qu’il faudrait éduquer, instruire, dialoguer, ouvrir. On semble loin du compte au vu de ce qu’on peut entendre dans les médias et sur les réseaux sociaux, depuis deux jours. Dans des cas comme celui là, c’est très difficile de trouver les mots justes, tout peut sembler inutile. Je pense à toutes ces vies fauchées, aux familles…

En janvier 2015, j’ai commencé à danser tous les jours pour résister à la peur et à la pétrification que nous infligent les actes de barbarie, et pour ouvrir des espaces communs de résonance et de connexion à la vie. Bien sûr, une petite danse c’est dérisoire, c’est  un battement de cils en regard de la catastrophe, ça ne peut pas stopper l’horreur. Et pourtant, c’est cela que j’oppose à la haine et à la fureur. C’est très difficile à tenir, j’ai conscience de l’insignifiance du geste devant l’étendue du problème. Ça ne rendra pas la vie à ceux qui sont morts, ça n’empêchera pas d’autres attaques. Mais c’est ma réponse, minimale à l’échelle des évènements, entière à celle de ma vie quotidienne. J’essaye d’ouvrir, au moins le temps de quelques secondes, chaque jour, un espace poétique de relation au monde et de le partager avec ceux qui y seront sensibles. 

Restons vivants et interconnectés. Je crois profondément à ce qu’il peut y avoir de douceur, d’intelligence et d’humour, en nous. 

Une Minute de danse par jour a reçu le soutien de